La leptine est une hormone agissant sur l'appétit et le métabolisme énergétique. Ses cibles principales se situent au niveau de certaines zones hypothalamiques. D'autres ont été identifiées: ovaires, adipocytes, foie, cellules hématopoïétiques et langhéransiennes. On lui décrit des déficits sécrétoires ainsi que des résistances des récepteurs.
L'insuffisance secrétoire, ou la résistance, associent une surcharge pondérale majeure et précoce, rapidement invalidante. Des essais chez la souris déficitaire, ont montré que l'administration de leptine peut corriger l'obésité en diminuant les apports et en augmentant les dépenses énergétiques. Une équipe de Cambridge vient de rapporter un essai thérapeutique avec de la leptine humaine recombinante chez une fillette de neuf ans issue d'une famille pakistanaise à forte consanguinité, insuffisante en leptine, hyperobèse, handicapée par sa surcharge (94kg pour 1m 40) au point d'en être grabataire, malgré ostéotomies et liposuccions.
Après avis du comité local d'éthique, elle reçut de la leptine méthionylée recombinante par voie sous cutanée, une fois par jour à 8 h, selon une posologie adaptée de façon à avoir un pic sérique équivalent à 10% du taux normal estimé pour l'âge. Huit jours après le début du traitement, les parents constatérent un changement de comportement alimentaire avec nette réduction des apports et de la compulsivité. Durant les douze mois suivants, l'enfant perdit 16,4 kg avec un rythme régulier d'1 à 2 kgs par mois. Les injections furent bien tolérées, sans réaction locale ou systémique.
L'étude pharmacocinétique a permis de constater un pic à la 4 ème heure et une présence encore notable à la 12 ème. Après 2 mois de traitement des anticorps antileptine étaient détectés dans le sérum, sans que cela n'interfère avec le résultat clinique. Aprés 12 mois, cette fillette prépubère présentait une sécrétion pulsatile en gonadotrophine, comparable à celle d'un premier stade pubertaire. Les auteurs ne précisent pas si l'arrêt thérapeutique a été secondaire ou non à cette constation. À noter que l'insuffisance en leptine humaine ne s'accompagne pas de retard statural, ni de résistance à l'insuline, contrairement à celle de la souris mais, comme chez celle-ci, elle possède un retentissement hypogonadique.
Cette observation apparaît être la première tentative humaine de substitution thérapeutique en leptine. La réponse clinique confirme l'importance de cette hormone dans la régulation pondérale et celle de l'appétit. Il serait toutefois prématuré de tirer des conclusions à partir d'un seul cas. Nous n'en sommes qu'aux balbutiements d'une thérapeutique hormonale substitutive devenue possible, dont il faudra délimiter les indications, étudier la variabilité selon les patients, les effets secondaires éventuels notamment pubertaires, ainsi que l'efficacité à long terme.
Il ne faudrait surtout pas donner trop d'espoirs aux obèses, car dans l'obésité hyperphagique commune on suspecte plus une résistance à l'action de la leptine qu'une insuffisance de secrétion, les taux circulants étant au contraire élevés, pouvant atteindre 10 à 20 fois la valeur normale des individus minces, sans que cela ne ralentisse la prise alimentaire ou n'accèlére la dépense énergétique. Les mécanismes de cette résistance sont encore inconnus.
François DOUCHAIN