Lu dans FLEXLA BELLE DAME SANS MERCI
Nombreux sont les athlètes qui rêvent d'être les meilleurs du monde dans leur discipline de prédilection, mais rares sont celles et ceux qui voient leurs espoirs se concrétiser. Cependant, pour la Française Nathalie Foreau, ce rêve pourrait bien être en passe de devenir réalité
›› En 2006, elle a obtenu la cinquième place aux championnats du monde IFBB de bodybuilding, une formidable réussite dans une compétition qui réunissait des championnes venues de pays aussi divers que la Russie, le Japon et le Brésil. À ce jour, c'est le meilleur résultat de son parcours de “bodybuildeuse” qui, depuis ces quatre dernières années, la propulse rapidement vers le sommet. À présent, elle se prépare pour la dernière étape difficile: accéder à la plus haute marche du podium. “Mon ambition est d'être championne du monde et je sais que j'ai le temps d'y arriver,” déclare Nathalie, 29 ans. “Je sais que ce ne sera pas facile, mais c'est mon rêve.”
À l'âge de 15 ans, l'adolescente s'est mise à pratiquer la musculation à l'Atlas Club de Toul, petite ville de l'Est de la France où elle a grandi. Très sportive, elle avait déjà fait de la gymnastique, de la natation et du karaté, juste pour le plaisir. Quant à la musculation, ce n'était rien de plus qu'un loisir agréable jusqu'au jour où elle a vu un film dont la vedette était l'Américaine Cory Everson, ancienne Miss Olympia et superstar du bodybuilding dans les années 80. “Je faisais déjà de la musculation, mais avant de voir ce film, j'ignorais complètement l'existence du bodybuilding féminin en tant que sport,” précise-t-elle. “J'ai été emballée par son physique et dès lors, j'ai eu envie de faire de la compétition de bodybuilding.”
Heureusement, les gènes étaient de son côté. “Déjà, quand j'étais petite, j'avais les épaules larges, les cuisses musclées et des articulations fines,” explique-t-elle. Ces attributs sont aussi importants pour les culturistes que la capacité de courir vite pour les sprinters. Une bonne génétique est ce qui fait la différence entre les champions et les autres athlètes: étoffant son physique d’année en année, Nathalie s'est toujours efforcée de ne pas sacrifier sa ligne magnifique à une muscularité outrancière. Aujourd'hui, son tour de taille ne dépasse pas 65 cm et contribue à l'évasement parfait de sa silhouette, donnant ainsi l'illusion que ses épaules et ses jambes sont bien plus développées qu'elles ne le sont en réalité. Dans le monde du culturisme, son physique est véritablement l'un des plus esthétiques que l'on ait jamais vu.
C'est en 2002 que Nathalie décide de concourir pour la première fois en participant à la Coupe de Bourgogne. “Jusque-là, je faisais du bodybuilding pour le plaisir, comme les autres sports que j'avais pratiqués,” souligne-t-elle. Bien que totalement novice, elle a remporté le titre, ce qui lui a donné assez de confiance en elle-même pour envisager sérieusement de se lancer dans la compétition de bodybuilding. Cette même année, elle enchaîne avec une victoire aux championnats de France mais, depuis, on ne l'a vue concourir qu'à l'étranger, là où le bodybuilding est plus populaire. Hélas, il y a peu de femmes culturistes en France. De plus en plus prisées, jugées sur des critères assez éloignés de ceux du bodybuilding et mettant l'accent sur la ligne et la tonicité plutôt que sur la muscularité et la performance, les compétitions de bodyfitness prennent le dessus dans notre pays. Cet état de choses l'attriste, en particulier parce que d'autres femmes se voient privées de l'occasion de réussir comme elle. “Lors de ma première compétition, j'étais inscrite en bodyfitness, avant que le règlement de cette discipline ne soit modifié. Il y avait alors poses et routine, comme en body. Maintenant, ce sont quatre quarts de tour et trois tenues différentes qui sont jugés. On m'avait dit à l'inscription que le body féminin n'existait plus!” fait-elle remarquer. “Aujourd'hui les filles se ruent vers cette discipline dénuée de performance sportive et je ne comprends pas pourquoi. Les muscles font peur, ils sont synonymes de virilité dans l'inconscient collectif. Pourtant, les femmes aussi ont des muscles insérés sur leur squelette. Hé oui! Après, tout est une affaire de goût et de convictions personnelles. Encore faut-il en avoir…”
Ayant conquis la France, Nathalie démarre sa carrière internationale en 2003 avec les championnats d'Europe en Turquie où elle s'adjuge une huitième place très honorable. Trois mois plus tard, elle prend de nouveau l'avion pour aller disputer les championnats du monde en Espagne où elle fera 14e. L'année suivante, grâce à une quatrième place décrochée aux championnats d'Europe au Portugal, sa réputation gagne en importance. “Ça a été une grosse surprise pour moi parce que je ne m'attendais pas à arriver en finale,” déclare-t-elle.
Auparavant, elle avait toujours concouru en - 57 kg (poids moyens), mais aux championnats d'Europe 2005 en Ukraine, elle décide de tenter sa chance en - 52 kg (poids légers). “Un vrai désastre,” affirme-t-elle. “J'étais sûre de figurer dans le Top 3 si je tirais en poids légers, mais j'ai commis une grave erreur. En fait, j'ai été malade et, à cause du régime, je n'avais plus de muscle. Je n'avais plus que la peau sur les os.” Elle finira septième: une fois rentrée chez elle, tout en continuant à s'entraîner, elle a mis plus de 6 mois à reprendre du poids et à retrouver sa force… et son moral!
Près de 18 mois allaient s'écouler avant la prochaine compétition. Assagie par l'expérience qu'elle avait vécue à Yalta, elle est revenue à la catégorie des poids moyens pour disputer les championnats du monde 2006 en Espagne. La compétition s'est déroulée sur deux journées: le premier jour, le plateau a été réduit à cinq compétitrices, pas plus et, le lendemain, les noms des athlètes sélectionnées ont été annoncés.
Quand la liste des finalistes a été rendu publique, son nom y figurait: désormais, elle faisait partie du Top 5 mondial! Hélas, lors de la proclamation des résultats, sa cinquième place fut d'abord une déception. “Dès que j'ai su que j'étais l'une des cinq finalistes, je m'attendais à faire mieux que cinquième,” se souvient-elle, “mais après avoir vu les photos des comparaisons, j'ai compris que je méritais cette place et que, par rapport aux autres compétitrices, je manquais encore d'expérience. Je suis fière que l'IFBB reconnaisse mes capacités sportives et mon body art.”
Nathalie utilise fréquemment l'expression ‘body art’ pour décrire ce qu'elle fait et, dans son cas, c'est certainement vrai. Alors que certaines culturistes ne cherchent qu'à devenir plus massives, elle ne souhaite gagner du muscle que si cela améliore sa ligne et sa symétrie: c'est bien pour cela que son physique à l'esthétisme classique est l'un des plus beaux du monde. “J'aime bien pouvoir contrôler mon corps et mon apparence,” déclare-t-elle. “Au lieu de porter des vêtements, je porte des muscles. Je crée quelque chose d'artistique. C'est comme une sculpture que l'on réalise et c'est moi qui suis le sculpteur.”
Après tant d'années passées à ciseler sa plastique, son ouvrage est presque achevé. Si le seul critère de la ligne avait dominé aux championnats du monde, elle serait déjà le numéro un. Cependant, tout autant que la ligne et la symétrie, le bodybuilding est également jugé sur la muscularité et la condition physique: comparée aux meilleures athlètes, ces deux qualités lui faisaient défaut. Elle reconnaît ses faiblesses en toute honnêteté. “Mon dos doit gagner en épaisseur, mes bras ont besoin d'être un peu plus musclés et il faut que je sois plus écorchée,” conclut-elle.
Son âge joue en sa faveur. Souvent, en bodybuilding, les compétiteurs et compétitrices n'arrivent au top que vers les 35 ans: elle a donc, au moins, encore une dizaine d'années pour concrétiser ses aspirations. En tout cas, elle n'essaie surtout pas de précipiter le mouvement, ce qui risquerait de gâcher totalement le physique qu'elle s'est donné tant de mal à forger. “Je ne veux pas devenir énorme. Je cherche à être aussi musclée que possible sans pour autant ressembler à un homme. Le tout est de se donner simplement le temps de progresser,” fait-elle remarquer.
Les lignes classiques de son physique ne font pas l'unanimité de tous: prisonniers de leurs préjugés, certains continuent de penser qu'il est anormal qu'une femme ait de la force. “Je n'ai jamais eu de problèmes, sauf dans quelques clubs où on me considère comme une extraterrestre,” déclare-t-elle. Toutefois, en public, elle porte rarement des vêtements qui laissent voir son corps, préférant plutôt le laisser couvert jusqu'à ce que sa “réalisation en cours” soit prête à être exhibée là où elle sera appréciée, c'est-à-dire sur scène.
Nathalie sculpte son physique au Pastel Fitness Club, près de Paris, sous la houlette de René Même. Elle s'est installée à Paris il ya 10 ans; aujourd'hui, elle a sa propre boutique de suppléments.* “Ça me permet d'avoir mes protéines et mes acides aminés presque gratuitement,” déclare-t-elle en plaisantant. Généralement, elle effectue quatre séances hebdomadaires de musculation et modifie toujours son programme au bout de quelques semaines. Elle s'entraîne avec des charges lourdes et légères, et adore le squat avant. “Je m'y suis mise il y a deux ans et maintenant, j'arrive à faire 10 répétitions à 80 kg, même pendant le régime,” précise-t-elle.
Néanmoins, elle rechigne à décrire son entraînement dans le détail, non pas parce qu'elle tient à garder le secret sur ce sujet, mais parce que ses méthodes sont complexes et changent constamment. “Ce n'est pas si simple que cela à expliquer,” affirme-t-elle. Cela dit, l'entraînement lui apporte encore plus de joie que la compétition. “Pour moi, l'entraînement est au cœur du bodybuilding: c'est ce qui compte le plus. S'il arrivait quelque chose et que je ne puisse plus faire de la compétition, je continuerais malgré tout de m'entraîner.”
Son régime est simple et bien moins fourni que celui de bon nombre de culturistes. Alors que certain(e)s sont d'avis qu'il faut manger six, voire sept fois par jour pour prendre du muscle, Nathalie se limite à quatre prises alimentaires quotidiennes. Son premier repas consiste en un shake protéiné accompagné de céréales ou de pain complet. Après son entraînement, effectué généralement vers 11 heures, c'est l'heure de son repas post effort qui se compose de poulet, dinde ou poisson avec soit du riz complet, soit des pâtes. Elle mange aussi une pomme. Vers 17 h, elle avale un autre shake protéiné et un sandwich de pain complet et de poulet ou de jambon. Le dernier repas de la journée est semblable au déjeuner.
“ En période hors-compétition, je mange de la pizza ou de la glace une fois par semaine,” ajoute-t-elle.
Pourquoi n'est-elle pas partisane d'un plus gros apport alimentaire? “Parce que je suis incapable de le digérer,” répond-elle. “Ça me rend malade! L'estomac n'est pas fait pour absorber six ou huit repas par jour. Certaines personnes y arrivent, pas moi.” Rappelons aussi qu'elle a atteint un niveau où elle ne vise plus à prendre du volume: son seul souci est de peaufiner son physique.
Grâce à son métabolisme rapide, elle n'a pas besoin de s'échiner pour mincir. À la hors-saison, avant de démarrer son régime de compétition, elle ne pratique pas d'activité cardiovasculaire particulière pour brûler les graisses.
Toutefois, avec ses entraînements intenses à la salle, elle ne manque pas d'éliminer beaucoup de calories!
À la hors-saison, elle pèse environ 64 kg et descend à 55 kg pour les compétitions: il lui faut trois mois pour arriver à ce poids. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que quand Nathalie a commencé la musculation, elle faisait 54 kg,
soit un kilo de moins que son poids actuel de compétition, même si elle paraît beaucoup plus musclée aujourd'hui: c'est bien la preuve que le bodybuilding consiste à
sculpter son corps et à suivre un régime strict plutôt qu'à prendre du muscle en quantité. Avec un entraînement bien ciblé, même une personne relativement légère comme Nathalie peut sembler très développée quand elle fait jouer ses muscles.
É tant donné que la limite de poids est de 57 kg, cela lui laisse assez de marge pour prendre encore deux kilos: c'est peut-être suffisant pour apporter à son dos et à ses bras les améliorations nécessaires qui l'amèneront enfin à sortir du Top 5 mondial pour faire un podium et, avec un peu de chance, devenir championne du monde.
Si son ambition se concrétise, elle affirme catégoriquement qu'elle ne cherchera pas à devenir professionnelle et à concourir aux U.S.A. contre des athlètes telles qu'Iris Kyle, Miss Olympia actuelle, et autres pros de haut niveau. “Pour moi, ça doit rester une discipline agréable,” précise-t-elle. “Le bodybuilding professionnel s’apparente à une activité commerciale et je ne suis pas sûre que ça me plaise.”
Elle s'intéresse davantage à la promotion de son sport en France, ce qu'elle peut faire en sa qualité de Responsable communication de la Fédération française de bodybuilding. “J'aimerais rendre cette discipline plus populaire en France,” nous confie-t-elle. “Ce serait une bonne chose de voir davantage de femmes pratiquer le bodybuilding.”